Mythe, Légendes et Réalités

  Aussi bizarre que cela puisse paraître, le nom de PONTHUS apparaît dans le roman de PONTHUS et la Belle SIDOINE » écrit dans les dernières années du XIV° siècle par un auteur inconnu qui connaissait bien l’histoire de la Petite Bretagne. I1 cite par exemple avec beaucoup de précision des noms de villes et des événements de Bretagne et les situe au V° siècle, car toute l’histoire de PONTHUS est centrée sur l’histoire d’un fils d’un roi Suève qui avait fui son pays la GALICE, pour venir en Bretagne et épouser la fille du roi de Bretagne « SIDOINE ». Voyons d’abord la base de cette histoire avant d’en venir á l’étude et au pourquoi de ce roman raconté par cet auteur


1/ – LA GALICE : Un royaume SUEVE au V et VI’ siècle

  A la chute de l’Empire Romain, les SUEVES qui venaient d’Europe Centrale, établirent en GALICE, un royaume indépendant de 409 á 585. Ils étaient venues par le fleuve Sil et avaient franchi la chaîne cantabrique le long d’une voie qui avait été tracée par les Romains. L’organisation administrative, territoriale et religieuse de ce royaume fut plus en avance et plus parfaite que celle des autres peuples européens, ce qui peut expliquer la durée de leur règne alors qu’on était en pleine barbarie. Par exemple, l’organisation des territoires de la GALICE était définie par les conciles SUEVES et ont subsisté jusqu’à nos jours. La toponymie, l’anthroponymie et la langue galicienne conserve encore les traces du temps où la GALICE était un royaume indépendant. I1 reste de nos jours des monuments tels que la basilique troglodytique de Saint- Pierre de ROCHAS du VI° siècle, le site de Santa Comba ou encore l’arc de PANXON. la capitale des monarques SUEVES a été installée á TUY, ville du sud-ouest, construite au bord du Rio Mino et en face de la ville portugaise de VALENSA. Plus de 20 rois se succédèrent, de HERMERICO en 409 à ANDECA en 585. La période la plus mal connue est celle qui va de l’an 465 á 559 et qui a duré 94′ ans – Pas de documents – THIBOUR, père de PONTHUS, fut-il l’un de ces rois ? Nous ne le saurons jamais, car les documents disponibles ne mentionnent que 12 rois sur les 20 qui gouvernèrent la GALICE. Saint GREGOIRE, vint en GALICE vers les années 550. I1 y séjourna et son passage amena la conversion des Suèves á la religion Chrétienne. Mais en 585, LEOYIGILDO, roi des WISIGOTHS, envahit avec ses troupes venues d’Aquitaine, ce royaume paisible, qui de SUEVE devint royaume des GOTHS.

  Les Suèves se sont limités à de brèves incursions dans d’autres régions de la Péninsule. Ils se transformèrent en marins et développement le commerce avec la Bretagne, à partir de Ports situés dans la province de la Corogne.

  Les échanges portèrent sur l’étain, la dentelle etc… L’une des petites villes maritimes, CEDEIRA (3700 habitants) est intéressante de ce point de vue car l’une de ses plus vieilles rues s’appelle « LAZAROTE del LAGO ». Cela nous rappelle qu’entre la Bretagne et la GALICE s’échangeaient non seulement des légendes mais des marchandises et des hommes, bref il y avait là toute une civilisation maritime, riche en échanges économiques, et culturels. qui reliait la Galice á la Bretagne, la Bretagne á la Cornouaille. Ce serait, d’après un manuscrit, que l’on peut consulte la Bibliothèque Nationale de MADRID, la venue d »étrangers venus de Bretagne » qui auraient amené des traces de légendes arthuriennes avec eux.

  Ainsi, ce LANCELOT du LAC aurait fui le Roi RICAR00, son cousin, à cause des soupçons qu’il entretenait á son égard ; on lui aurait attribué ces vers :
« au Chevalier si honnête et si admiré des dames tel fut LANCELOT (LANZAROTE) quand il vint de Bretagne »

  Les princes étrangers et l’archidiacre de l’église d’Oviedo écrivirent á son sujet l’histoire suivante :
« Le LANCELOT est arrivé un jour dans ce royaume et dans cette terre de GALICE où il serait resté et se serait installé dans le port de CEDEIRA. Martin LOPEZ de LACANA précise même que LANCELOT avait apporté avec lui les premiers animaux étrangers : il avait apporté un lévrier qui était si grand que les gens de la région le craignaient á ce point qu’on l’appelait « celui au grand chien » – Et puisqu’on l’appelait le grand chien, on le maria avec la fille du Comte RODRIGO de ROMA, petite-fille de FRUELA, roi de LEON – enterré á SANTA MARIA. Ses armes étaient constituées de 3 touffes d’orties vertes, avec des ondes bleues et argentées. Ceci devrait nous rappeler le blason des PONTHUS, d’azur à 3 faces ondées d’or au chef d’azur, soutenu d’une devise d’or chargé de 3 fleurs de lys d’or.Cette histoire n’est pas sans rapport avec l’histoire des chevaliers de la Table ronde et notamment celle du LANCELOT de LAC, fils du roi BAN, élevé au fond du lac de Diane, prés du château de Comper. Nous voici donc avec des légendes et des traditions qui s’imbriquent et qui nous laissent penser que PONTHUS comme le LANCELOT du LAC, étaient des êtres mythiques qui fuyaient leur pays pour s’installer dans des régions paisibles, pour se marier et fonder une famille. I1 est surprenant cependant de voir que des légendes, á peu prés symétriques, se sont répandues en GALICE et en Bretagne qui toutes sont basées sur des récits guerriers et des aventures chevaleresques.


2/ – LE ROMAN DE PONTHUS et de la BELLE SIDOINE Une bonne raison de l’écrire !

  Ce roman écrit au XIV° siècle n’a été imprimé qu’au commencement du XVI aime siècle. La première édition a été imprimée á PARIS par JEHAN TREPPEREL et la seconde édition par Maître Guillaume LEROY á Lyon. I1 relate la naissance de PONTHUS en GALICE comme fils du roi THIBOUR et de la fille du roi d’ARAGON. Malheureusement, BROADAS l’un des trois cadets du Sultan de Babylone débarque á la COROGNE avec une armée de 30 000 hommes, tue le roi THIBOUR et se fait proclamer roi de GALICE. PONTHUS et treize de ses compagnons s’échappent en Bretagne et sont recueillis par HERLANT, Sénéchal du roi de Bretagne.

  PONTHUS s’éprit pour la fille du roi SIDOINE, d’un violent amour. Mais CARADOS, frère de BROADAS, débarque à Brest et somme le roi d’embrasser la religion de MAHOMET.PONTHUS combat ces sarrasins et plusieurs chevaliers dont GEOFFROY de LUSIGNON, LANDRY de la TOUR et BERNARD de la ROCHE sont blessés. PONTHUS devient connétable de la Petite Bretagne. Ses succès éveillent la jalousie : GUENNELET (GEUNNELET rappelle GANNELON de la chanson de ROLAND), l’un des compagnons Galiciens de PONTHUS qui le désert auprès de SIDOINE. PONTHUS quitte la cour et se retire dans un ermitage de la forêt de Brocéliande. Passant pour le chevalier noir aux armes blanches, il donne joute d’armes et envoie se constituer prisonnier auprès de SIDOINE les chevaliers qu’il mettait à terre. Et on retrouve parmi ces chevaliers Bernard de la ROCHE, Geoffroy de LUSIGNAN, Landry de la TOUR et le Comte de MORTAIN. Suivent un certain nombre d’épisodes ou PONTHUS épouse SIDOINE, se fait couronner roi de GALICE et marie son cousin POLIDES avec GUENIEYRE, fille du roi d’Angleterre. I1 enfante deux fils dont l’un, nommé Conan MERIADEC est la tige des rois et ducs de Bretagne, dont tant de puissants souverains et de princes se font honneur de descendre. Le nom de PONTHUS a été donné au château de BELENTON qui abrita au temps d’EON de L’ETOILE (XII° siècle) les religieux du MOINET dont EON était le prieur. Est-ce une coïncidence si le nom du château est celui du héros de ce roman ? s’interroge Félix BELLAMY en 1896, dans son ouvrage sur « LA FORET DE BRECHELIANT ? » – Le nom de PONTHUS aurait été donné à ce lieu à cause des comtes de, LAVAL-MONTFORT, seigneurs de Brécheliant ; qui voulaient citer leur ancêtre, le comte de LAVAL dans des récits d’armes et par un artifice passer á l’état de fait -historique une fiction de romancier. Peut-être y avait-t-il là un calcul car en 1467 le Comte de LAVAL et le Vicomte de ROHAN étaient en rivalité pour leur droit á la préséance des Etats de Bretagne. Au nombre de ses arguments, le Vicomte de ROHAN prétendait descendre du roi CONAN MERIADEC alors que le Comte de LAVAL affirmait sa parenté avec le roi PONTHUS, cousin de CONAN. Ceci expliquerait aussi pourquoi le comte de LAVAL fit insérer dans sa « charte des usements » (1467) mention des joutes de PONTHUS près de Barenton et les présentait comme un fait réel et historique consigné dans un livre qui en parlait tout spécialement.

  PONTHUS et ses joutes devenaient des choses avérées et s’ajoutèrent aux traditions.Toujours est-il que le château de PONTHUS entre dans l’histoire avec des récits cette fois historiques de la lutte entre les Anglais alliés aux Bretons et les Français. Dans la bataille de MAURON en 1352, Charles de BLOIS avait conduit une armée commandée par le maréchal Guy de NESLE d’OFFEMONT contre Jeanne de MONT FORT qui s’était appuyée sur les Anglais conduits par un certain GAULTIER de BENTELEY. Les Anglais étaient postés au château Fossés-Braz – Les Français furent expliquerait que DUGUESCLIN en 1372 château PONTHUS.


3/ – DU NOM -PONTHUS comme patronyme :

  Les romans d’aventure du XIII° et XIV° siècle glorifiaient la prouesse et la courtoisie des chevaliers de l’époque, inspirés semble-t-il par un auteur comme CHRÉTIEN de TROYES (1135-1183) (qui ne doit pas son inspiration aux romanciers Bretons qui l’auraient copié et qui n’auraient apporté une couleur locale artificielle que par l’appellation de scènes et de personnages bretons. Déjà en 1168, dans son roman EREC, CHRÉTIEN de TROYES évoque un chevalier qui conquiert sa femme par sa prouesse et se met ensuite à courir en sa compagnie toutes sortes d’aventures. L’intérêt psychologique du roman résulte seulement des épreuves qu’EREC impose á sa compagne ENIDE pour s’assurer de son amour : Garder un silence absolu tout au long de leurs communes aventure, ordre qu’ENIDE ne peut s’empêcher de transgresser toutes les fois qu’un danger nouveau menace son époux.

  Le roman de LANCELOT ou du CHEVALIER A LA CHARRETTE en 1172 relève de la même morale : il faut que l’amant parfait se place á l’égard de sa dame dans un état de sujétion absolue. Pour l’amour d’elle il est fermé á toutes les séductions et fait bon marché de tous les périls. Le bon plaisir de la dame est sa loi : il lui obéit aveuglément et s’impose au surplus la discrétion la plus absolue car le secret en amour est un devoir. Ainsi LANCELOT s’élance á la poursuite de GUENIEVRE, femme du roi ARTHUR, enlevée par un chevalier inconnu. I1 consent á monter sur une charrette ayant perdu son destrier. I1 devra courir cent périls et après l’avoir délivré devra la confier á GAUVIN pour la ramener á la cour du roi ARTHUR. Ainsi dans le roman « d’YVAIN » ou « Le Chevalier au Lion », en 1173, on retrouve la trame qui donnera naissance au roman de PONTHUS et la Belle SIDOINE : YVAIN ayant tué le chevalier préposé á la garde de la fontaine de Barenton épouse LAUDINE (qui deviendra SIDOINE) laquelle passe de l’affliction où l’a plongé la mort de son premier mari á l’emportement d’un nouvel amour. Le XIII° siècles verra des romans courtois et le système féodal se développe sans heurt au temps de Saint-Louis et l’on peut dire que ce siècle qui a inspiré le roman de PONTHUS et la belle SIDOINE se développera sans à-coup et marquera l’épanouissement du XII° siècle, reprenant les thèmes chevaleresques si chers á Chrétien de TROYES. Les romans tournent autour du cycle du Saint GRAAL, vase où Joseph d’ARIMATHIE aurait recueilli le sang du Sauveur en croix et que LANCELOT la cherchera toute sa vie. Enfin vers 1330, apparaît le dernier roman en prose de la Table ronde où il est question pour une dernière fois de ces amours chevaleresques car la guerre de Cent Ans marque la disparition de ces contes. « PONTHUS et la belle SIDOINE » représente l’un des tous derniers témoignages des romans du XII° et XIII° siècles consacrés á la chanson des nobles chevaliers pour leur dame. Les beaux jours de la chevalerie sont passés – Philippe le Bel est un roi moderne qui s’appuie sur des légistes et qui veut être maître chez lui sans féodalités rivales. Le roman de PONTHUS est le résultat et la synthèse des romans du XII°, écrits par Chrétien de TROYES et ceux du XIII°, écrits que le poète Anglo-Normand THOMAS, auteur de l’histoire d’HORN et de RIEMHILD. L’auteur devait être un précepteur et un moraliste pour que ce roman serve de manuel d’éducation aux jeunes hommes avides de vie aventureuse et amoureuse pour parfaits Jeunes gens. Mise á part le fait qu’un côté historique semble avoir été donné pour satisfaire les revendications de la famille du Comte de LAVAL, le roman de PONTHUS et la belle SIDOINE servira de modèle et de livre de chevet á de nombreuses familles illustres comme celles de Charlotte de Savoie et celles des ducs de BOURBON. Bien des familles ont donné comme prénom ou on prit comme nom de patronyme celui de PONTHUS.


4/ – PONTUS de THYARD: un prénom célèbre et un nom connu.

  PONTUS de THYARD est né en 1521 au château de BISSY-sur-FLEY, d’une famille de notable. Il fut destiné aux honneurs ecclésiastiques et devint á 57 ans évêque de Chalon, charge qu’il cède onze ans plus tard à son neveux Cyrus de THYARD. I1 mourut á l’âge de 84 ans, en 1605, á BRAGNY. I1 fut inscrit par RONSARD dans le groupe des sept de la Pléiade avec du BELLAY, BAIF, JODELLE, BELLEAU et PELLETIER et il fut le dernier survivant. Cette époque fut celle des humanistes, commentateurs et éditeurs des textes antiques, très souvent écrits en latin. L’enseignement y tient une place grandissante et les écrits sont lus, écoutés et soutenus par un public toujours plus nombreux. I1 est vrai que le développement de l’imprimerie permettra une diffusion très large des grands écrivains qui égalent les plus illustres contemporains italiens. Ces derniers avaient tracé la voie au début du XVI° siècle en reproduisant dans une forme moderne les compositions des Anciens. On peut imaginer que le jeune PONTUS de THIARD, qui découvre les cours dispensés par l’Université de PARIS au début du règne d’HENRI II, a su dévorer l’Antiquité grecque et Latine et a dépouillé toutes les éditions faisant resurgir les trésors oubliés Des HOMERE, PINDARE pour ne citer que les poètes les plus connus. Il commença par écrire un volume de poésie á l’âge de 28 ans : Les « ERREURS AMOUREUSES » où il inaugure pour 1a première fois en FRANCE le Sonnet. Le souffle et l’inspiration poétiques n’y font pas défaut mais la langue en est quelques fois informe, voire épaisse. PONTUS y vente l’excellence d’une créature évasive PASITHEE, qu’il accable de plaintes éternelles.

  A 34 ans, il s’amuse à écrire sur Diane de POITIERS avec un fond de mythologie grecque. C’est à cet âge là qu’il est définitivement engagé dans les ordres et qu’il fut reçu chanoine de la Cathédrale de MACON. Dans son château de BISSY, puis plus tard, dans sa pittoresque demeure de BRAGNY, il cultive à la fois la science profane et sacrée I1 faut relire ses « DIALOGUES PHILOSOPHIQUES » pour saisir sa doctrine platonicienne. A 52 ans, il fait éditer l’ensemble de ses œuvres poétiques et continue ses recherches sur la philosophie et la science. De sa médiation solitaire á BRAGNY sortirent des œuvres consciencieuses où sont combattues certaines erreurs répandues communément sous HENRI II, notamment sur l’idée que la terre était le centre autour de laquelle gravitait le monde, idée que venait d’émettre COPERNIC, quelques années auparavant. Poète, savant, PONTUS de THYARD devait être l’ami de la religion et de l’homme. Nommé Evêque de Chalon á 57 ans, il dénonce le relâchement des mœurs du clergé, défend et conseille une royauté faible et pratique la justice, la tolérance et la charité chrétienne. Sa charge ecclésiastique le retient le plus souvent dans le Mâconnais au regret de ses pairs de l’Académie du Palais, qui appréciaient l’homme. En 1589, il se retire á BRAGNY entouré d’hommes modérés forts de leur conscience et restés purs de tout excès. A 84 ans, il rend un dernier souffle, après avoir fait rayonner dans ses œuvres bien qu’imparfaites un « pur rayon de la Renaissance », comme se plut á l’écrire 7e Docteur JEANDET, l’un de ses biographes couronné par l’ACADEMIE de MACON, le 29 décembre 1859. Ainsi venait de s’éteindre un poète, un amoureux des lettres qui nous a laissé un dernier portrait de la pléiade et de ses œuvres poétiques. « En même temps que je fis prendre l’air á mes Poésies, sortirent en lumière les œuvres de RONSARD, VENDOMOIS, du BELLAN et ANGENIN, lesquels le PARNASSE français reçut comme fils aînés des muses et les favorisa du plus riche partage. Peu de temps après, BAIF, BELLEAU, JODELLE et quelques autres suivirent doctement même trace… » 20 ans après la mort de RONSARD, le prince des poètes du siècle, PONTUS de THYARD faisait rayonner pour une dernière fois le souvenir de ses amis de la Pléiade qui nous est parvenu jusqu’à nous.